Compléments sur la diversité des ascidies (Ascidiacea, Tunicata) de l’ouest Pacifique tropical
Author
Monniot, Françoise
Author
Monniot, Claude
Muséum national d’Histoire naturelle, Département Milieux et Peuplements aquatiques, case postale 51, 57 rue Cuvier, F- 75231 Paris cedex 05 (France) monniot @ mnhn. fr
monniot@mnhn.fr
text
Zoosystema
2008
30
4
799
872
journal article
6330
10.5281/zenodo.4690007
0baa733e-6e79-4600-a069-3a1a9f87fbec
1638-9387
4690007
Eudistoma partitum
n. sp.
(
Figs 55
;
56
;
78A
)
HOLOTYPE
. —
Palau
.
Ngermeuangel Island
,
Flatworm Lake
,
7°19.12’N
,
134°30.40’E
, 0,5 m,
13.VI.2005
, coll.
L. J. Bell
et
L. E. Martin
, FLK033 (
MNHN
A3
EUD 324
).
AUTRE MATÉRIEL EXAMINÉ
. —
Palau
.
Ngeruktabel Island, Uet er a Ngchas, marine lake,
7°15.24’N
,
134°20.64’E
, 0,5 m,
20.
V
.2005
, coll. L. J. Bell et L. E. Martin, ULN060 (
MNHN
A3
EUD
326).
Indonésie
.
Berau, E.
Kalimantan
, Maratua Island, Danau Haji Buang, marine lake,
2°08.444’N
,
118°30.600’E
, 0,5 m,
23.X.2003
, coll. L. J. Bell, HBM012 (
MNHN
A3
EUD
325).
ÉTYMOLOGIE. — Du latin
partitum
: divisé.
DESCRIPTION
Les colonies (
Fig. 78A
) sont en croûtes épaisses d’où émergent des lobes arrondis, à base rétrécie. Le diamètre du plus gros lobe observé est de
15 mm
.Du sable est contenu dans l’ensemble des colonies, moins dense dans la partie dressée en lobes. Les ouvertures buccales des zoïdes en surface ont 6 lobes saillants qui contiennent aussi des particules sédimentaires fines. La tunique est vitreuse et contient des cellules vacuolaires qui donnent aux colonies une consistance spongieuse.Les zoïdes occupent toute l’épaisseur des colonies, mais seuls ceux qui se trouvent dans les lobes dressés ont leurs siphons ouverts à l’extérieur. Les particules de sable sont arrangées de façon radiaire en surface autour des orifices des siphons buccaux disposés en cercles, ce qui donne un aspect étoilé
in vivo.
La partie basale compacte de la tunique contient de grosses inclusions (vertes en formol).
Les zoïdes (
Fig. 55A
) ont un thorax perpendiculaire à la surface des colonies, mais les abdomens sont entrecroisés sans ordre. Le siphon buccal a 6 lobes allongés dont le plus dorsal est parfois plus long. Les tentacules sont très nombreux, ceux du cercle postérieur sont nettement plus longs que ceux qui s’étendent sur toute la face interne du siphon. Les 3 rangs de stigmates sont de longueur à peu près égale, le premier rang peu relevé dorsalement. Plus de 25 stigmates ont pu être comptés de chaque côté dans le deuxième rang. Les languettes du raphé sont plus courtes qu’un stigmate.L’abdomen est beaucoup plus long que le thorax et peut atteindre
1 cm
(
Fig. 55A
). Sa partie postérieure, qui contient l’estomac et les gonades, est élargie et possède des prolongements vasculaires.L’estomac est asymétrique, arrondi antérieurement et brusquement tronqué postérieurement. Le post-estomac est mince, particulièrement long comparé à la forme moyenne dans le genre
Eudistoma
.
Une ampoule lui fait suite, puis un intestin moyen court et large bien délimité qui forme le fond de la boucle digestive (
Figs 55C
;
56
). L’intestin postérieur débute par une partie nettement élargie avec une protubérance postérieure et une côte longitudinale (
Figs 55C, D
;
56
), il est ensuite rectiligne. Cette partie du tube digestif a une morphologie constante chez tous les zoïdes. La boucle intestinale est droite. La glande pylorique (
Fig. 55C
) est constituée d’une accumulation d’ampoules autour du rectum, face à l’estomac et le canal pylorique débouche au milieu de la paroi stomacale.
Les gonades sont situées seulement à gauche du tube digestif (
Fig. 55D
). Les lobules testiculaires peuvent être nombreux. L’ovaire est central.
Les larves (
Fig.55E, F
) sont incubées dans la cavité péribranchiale où l’on peut en compter jusqu’à 5. Le tronc mesure de 0,5 mm à 0,55 mm. La queue décrit un demi-tour et se replie sous le tronc. Les 3 papilles adhésives sont bordées de 4 paires de vésicules bifides dont la forme varie chez les larves d’une même colonie.
FIG. 55. —
Eudistoma partitum
n. sp.
:
A
, zoïde;
B
, thorax;
C
, partie postérieure du tube digestif;
D
, gonades;
E
,
F
, larves. Échelles: A-D, 1 mm; E, F, 0,5 mm.
FIG. 56. —
Eudistoma partitum
n. sp.
, boucle digestive. Échelle: 0,5 mm.
REMARQUES
L’identification des espèces ensablées du genre
Eudistoma
est particulièrement difficile, l’arrangement des zoïdes dans la colonie est peu visible. La quantité de sable incrusté dépend de la localité de récolte. La distinction entre des formes encroûtantes ou présentant plusieurs lobes bas, dépend de la taille des colonies et de leur état de maturation.
Eudistoma partitum
n. sp.
se distingue d’autres espèces ensablées par le dessin de surface dû à la disposition des particules sableuses et par des lobes buccaux saillants, par la structure des colonies avec des lobes dressés sur une base commune, par la structure du tube digestif, par la taille des larves. Il s’y ajoute la présence d’inclusions de symbiontes dans la tunique. Ces caractères sont constants à la fois à
Palau
et en
Indonésie
, des localités géographiquement éloignées, mais toujours dans le même milieu: à faible profondeur dans des lacs marins.
D’autres espèces ensablées peuvent être confondues.
Eudistoma amplum
(
Sluiter, 1909
)
a des colonies massives avec symbiontes, des larves plus grosses, un arrangement différent des zoïdes.
Eudistoma ovatum
(Herdman, 1886)
a des lobes buccaux saillants, la boucle digestive a une double torsion marquée.
Eudistoma pyriforme
(Herdman, 1886)
n’a pas de symbiontes connus, la boucle digestive est tordue, les colonies sont lobées; la larve décrite par
Tokioka (1950)
provenant de
Palau
est très différente.
Eudistoma vulgare
Monniot F., 1988
n’est pas lobé, l’intestin postérieur présente une torsion, la larve est plus petite.
Eudistoma snakabri
Tokioka, 1954
(
Figs 57
;
58
)
Eudistoma snakabri
Tokioka, 1954: 251
, pl. 26 figs 4, 5, pl. 27 figs 1-5, pl. 28 fig. 1 (
Japon
). —
Nishikawa 1984: 121
(
Japon
).
MATÉRIEL EXAMINÉ. —
Malaisie
.
Sarawak
, SW peninsular tanjung Datu,
2°04.30’N
,
109°38.65’E
,
28.V.2003
, coll. CRRF, 0M915807-V (MNHN A3 EUD 285).
DESCRIPTION
Les colonies de couleur brun rouge ont un aspect de «foie » selon les collecteurs. Les zoïdes sont disposés en rosettes dans une tunique totalement imprégnée de sable. La forme est celle d’une épaisse croûte de
1 cm
d’épaisseur et
30 cm
de large.
Les zoïdes (
Fig. 57A
) mesurent
7 à 8 mm
de long. Les deux siphons ont 6 lobes, le siphon cloacal est long. Les nombreux tentacules buccaux sont répartis sur 4 ou 5 cercles, les plus dorsaux étant les plus longs. La branchie compte environ 30 stigmates par demi-rang. Le premier rang n’est pas relevé dorsalement. L’abdomen est allongé. L’estomac est court, sa partie postérieure présente des renflements qui ne se prolongent pas antérieurement en plis (
Fig. 57B
). L’intestin moyen est renflé en une ampoule courte qui rappelle un peu la forme observée chez
Eudistoma reginum
Kott, 1990
. L’intestin postérieur est brusquement élargi à son origine, au fond de la boucle. Le canal de la glande pylorique débouche au fond de l’estomac. Les gonades occupent le fond de la boucle intestinale.
Les larves (
Fig. 57C
;
58
) ont un tronc ovale de
1 mm
. La queue décrit moins d’un demi-tour. Une protubérance est constante à la base de la queue. Les 3 papilles adhésives sont longues entourées de vésicules allongées disposées de façon un peu irrégulière selon les larves. Quelques ampoules rondes sont alignées sur la face ventrale. Des vésicules filamenteuses superficielles sont visibles sur les larves.
La structure des larves et des zoïdes correspond aux caractères observés sur le
type
de l’espèce.
REMARQUES
Kott (1990a)
place en synonymie
E. snakabri
et
E. angolanum
(
Michaelsen, 1914
, d’Afrique). Ceci ne peut être retenu. La disposition des vésicules de la larve figurée par
Kott (1990a
: fig. 71e) pour
E. angolanum
est différente ainsi que les lobes des siphons irréguliers
Kott (1990a
: fig. 71b). La description originale de
Michaelsen (1914)
de
Polycitor paesslerioides
var.
angolanus
est très sommaire, la description complémentaire de
Michaelsen (1915)
sous le nom de
Polycitor
(
Eudistoma
)
angolanus
ne mentionne pas la structure des larves; la figure représentant le tube digestif ne correspond pas à la forme figurée par
Tokioka (1954)
et qui est celle de nos spécimens.
FIG. 58. —
Eudistoma snakabri
Tokioka, 1954
, larve. Échelle: 0,5 mm.
Eudistoma angolanum
a été identifié dans l’océan Pacifique par différents auteurs:
Hastings (1931)
,
Tokioka (1967)
,
Nishikawa (1984)
. La description de cette espèce par
Michaelsen (1915)
est insuffisante pour une comparaison précise et
Millar (1953)
pour des spécimens ouest-africains n’est pas plus précis.
Hastings (1931)
rapporte à
E. angolanum
un échantillon du nord de l’Australie qu’elle estime correspondre à la variété
Polycitor
(
Eudistoma
)
paesslerioides
var.
togoense
selon
Michaelsen (1915)
.
Nous avons revu des spécimens de
Polycitor
(
Eudistoma
)
paesslerioides
prêtés par le Muséum de Hambourg, la forme
typica
nº 473, la variété
hupferi
nº 477 et la variété
togoensis
nº 479. Les deux premiers échantillons, très petits (
5 mm
), ne peuvent être exploités; les spécimens du
Togo
semblent être des morceaux d’une même colonie dont le plus gros (
2 cm
) est formé de lobes accolés, entièrement ensablés. L’aspect externe ne correspond pas à celui d’
E. snakabri
, les colonies durcies en alcool ne permettent pas une étude détaillée des zoïdes.
FIG. 57. —
Eudistoma snakabri
Tokioka, 1954
;
A
, zoïde;
B
, région stomacale;
C
, larve. Échelles: A, B, 1 mm; C, 0,5 mm.
Il nous semble peu probable que les spécimens du Pacifique soient de la même espèce que ceux de la côte ouest africaine identifiés comme
E. angolanum
par
Michaelsen (1914)
. La larve figurée par
Millar (1953)
pour un spécimen africain ne correspond pas à la larve du Pacifique figurée par
Kott (1990a)
.
Eudistoma snakabri
est donc à notre sens une bonne espèce.
Famille
DIAZONIDAE Seeliger, 1906